"J’y suis né ! J’y suis né, mais j’en suis parti un certain temps. J’étais comptable. J’étais étudiant, et j’ai trouvé une place dans une entreprise pendant sept ans, et puis ça ne se passait pas très bien. Il y a eu l’exploitation qui se libérait, donc j’ai repris l’exploitation de mes grands-parents. Mon père l’avait reprise en fermage donc il y avait eu un saut de génération, et moi j’ai repris en 1998. Au départ, c’était une façon de sortir de l’entreprise où j’étais, mais maintenant je suis très bien comme je suis. J’avais toujours vécu dans la viticulture puisque ma famille a toujours été dans la viticulture. Je connaissais le métier sans l’avoir appris et le côté comptable me sert beaucoup dans la gestion d’exploitation aujourd’hui. J’avais toujours vu faire. Après, j’ai eu des amis, la famille, tout le monde est venu me donner un coup de main. Mais je savais déjà tailler la vigne, conduire un tracteur, je savais déjà faire pas mal de choses avant de m’installer. Quand on plantait ou même quand on devait charruer, je me rappelle quand j’étais gamin, ils y allaient toujours en groupe. Quand il y avait une vigne à planter, ils partaient à une dizaine et ils passaient des semaines à planter. Il y avait toute une équipe avec Pierre Michel, Pierre Trinquier, Gabriel, et ils plantaient pour les uns et pour les autres. Il a fallu planter tout le vignoble de Grenache et de Syrah. Après, ils se retrouvaient souvent autour d’un bon déjeuner. Quand je me suis installé, ils m’ont aidé pendant trois ou quatre ans et après je me suis mis dans le bain. Quand il y avait un conseil à demander, on pouvait leur demander. On pouvait demander aussi au Conseil d’Administration. Mon père aussi m’a un petit peu aidé au départ et c’est parti ! Au début j’avais 10 ha, aujourd’hui j’en ai 25. J’ai acheté des vignes plantées et des fermages. J’ai dû renouveler le vignoble qui appartenait à ma famille et les fermages aussi quand c’était possible.
Nos parents ou nos grands-parents n’ont pas poussé les enfants à aller vers la vigne puisque c’est vrai que c’était difficile, le fait qu’on passe en appellation, et puis la motivation de certains. Le fait que la cave tournait pas mal et tourne encore d’ailleurs plutôt bien je pense que ça fait rester les gens. Le revenu à l’hectare est quand même assez intéressant aujourd’hui, il est suffisant pour vivre. Il y a eu des moments difficiles au début. Moi, cela fait 17 ou 18 ans que je suis installé, il a fallu replanter le vignoble avec les cépages améliorateurs et on commence seulement maintenant à bien vivre. Je ne regrette pas mon choix !
Je sais que dans ma famille tout le monde était viticulteurs et qu’ils ont tous adhéré à la cave coopérative dès le départ. C’était surtout les petits qui se regroupaient pour mutualiser. Il y avait deux ou trois grosses exploitations dans le village, les caves existent encore. Alors que chez mes grands-parents il y avait trois cuves pour toute la famille et pour faire rentrer toute la récolte. Et encore, c’était un gros ! Je pense qu’il y avait une volonté de se distinguer parce qu’on était un peu isolé. À Cabrières on est sur les premiers contreforts, à Fontes on est déjà dans la plaine. Cabrières c’est un cirque, dès qu’on en sort c’est la plaine. De suite après c’est plat, il n’y a plus les coteaux comme ici. Il y a toujours eu la volonté de se distinguer, de lutter pour y arriver."